A propos de l’expansion du système technique
Le système technique, interdépendant du système en général, économique, politique et social, peut-il être entravé par un.e politique ? Comme support de débat, je m’en tiens à l’exemple des téléphones en bientôt 5G.
Omniprésents et omniscients, ils ont envahi le quotidien de presque tout.e un.e chacun.e, même des enfants ; ces appareils sont censés penser à notre place mais sont toujours raccordés à des centrales nucléaires ou fossiles à lourd impact écologique. Ils sont capables du meilleur, relier pour communiquer, informer, sauvegarder, photographier, traiter des données, mais aussi du pire puisque leur prix exorbitant masque leur coût planétaire et humain consternant.
Un.e politique peut se laisser gagner par une sensation d’impuissance et d’impossibilité à infléchir quoi que ce soit face au développement de technologies toujours plus sophistiquées et à leur rapide diffusion et généralisation. Ce serait oublier que les inventeurs et promoteurs de techniques et technologies aussi « hautes » qu’elles soient, vivent soumis aux réalités de la condition humaine : respirer, de préférence, un air de qualité, se dés-altérer, si possible d’une eau vivante, se nourrir à partir de sols sains, avoir un toit digne sur la tête, pouvoir se déplacer librement et s’exprimer sans craindre pour sa vie. Quant aux élu.e.s, à l’instar de toute l’espèce humaine, ils et elles se trouvent sur la Planète Terre, mortel.les, mammifères omnivores doté.es de conscience du Monde, de conscience morale, voire de conscience spirituelle. Leur mandat leur confère une responsabilité accrue, pour réguler ces flux et freiner le système technique à fins de préserver les fondamentaux qui permettent la vie. A l’ère de la dématérialisation des services publics, de la virtualisation des échanges entre humain.e.s et de l’intelligence artificielle cherchant à exploser les frontières du réel, chaque élu.e doit impérativement empêcher qu’un usage perverti des technologies de pointe ne mette en danger la démocratie-même, l’épanouissement humain individuel et collectif, ainsi que le libre-arbitre propre à l’espèce humaine.
Comment ? En usant de sa liberté de ne pas entrer dans le tourbillon-expansion de la technique, par choix d’un mode de vie sobre pour montrer l’exemple. Pas de phone ? Aucune loi n’oblige à posséder un tel appareil « connecté » (à un monde virtuel alors que les centrales électriques elles, impactent le réel). Par le biais de téléphone simple ne servant qu’à téléphoner, ou ordinateur « à l’ancienne », il sera possible d’ancrer les échanges dans du temps humain et de garder la possibilité de réfléchir et de discerner grâce à son propre cerveau.
Un.e politique peut-il/elle freiner le système technique seul.e ? Non.
Il y faut toute la société civile pour impulser une dynamique de décroissance technique et technologique. Par exemple, une seule personne ne générant que 2 poubelles par an, évite la dispersion de 50 poubelles annuelles, un million de personnes ne générant chacune que 2 poubelles par an, empêchent que 50 millions de poubelles ne finissent dans la … Nature ! Nature qui reçoit aussi, par la force brutale, centres d’incinération et d’enfouissement et bien évidemment, les montagnes de déchets EEE*. L’élu.e ne peut agir qu’en associant citoyen.ne.s, associations et ONG dans sa démarche et ses actions, pour se nourrir de leurs contributions et permettre la mise en place d’alternatives simples au quotidien : incitations à se servir de ses jambes plutôt que d’une voiture fut-elle électrique, d’où des aménagements pensés pour les piétons, à utiliser les transports en commun améliorés et rendus plus accessibles, ne pas imposer de flash code (sécurité sociale) pour éviter d’imposer les smartphones, maintenir les services publics en accès par humains en chair et en os, redondance de la 5G, refus national du linky et de toute « dernière mode » « haute » technologie, « haute » définition, « haut » débit et autre haut … emprisonnement, tels robots à gogo, domotique de docilités et espions invités au salon. Prôner des équipements a minima, des fournisseurs locaux d’électricité soutenable et de moteurs de recherche indépendants, promouvoir la fabrication d’appareils simples avec possibilité de les garder longtemps, par garanties allongées et obsolescence déprogrammée, pour seconde main longue durée, sont des options à explorer.
L’évolution technique et technologique ne naît pas par génération spontanée mais des suites du travail – ciblé voire acharné et fréquemment à visée cupide – d’êtres eux aussi humains, qui peuvent donc être freinés, entravés ou redirigés par d’autres humains vers davantage de sens, de bon sens et de conscience.
Thérèse Delfel, Tritteling le 15 avril 2019
Pour réfléchir plus avant, se référer aussi aux textes de Annick Claver, Michel Lepesant, Jean-Luc Pasquinet, Simon Desbois, au compte-rendu des (F)estives 2018 dédiées à la technique (http://ladecroissance.xyz/2018/11/15/festives-2018-cr/) et à la Maison Commune de la Décroissance : http://ladecroissance.xyz
* Déchets électriques, électro-ménagers et électroniques